La famille Mekertchian était originaire de la ville de Mezré de la province de Kharberd en Arménie occidentale. Thomas et Esther Mekertchian avaient six enfants : Ervand, Zénob, Arsèn, Araks, Arminé et Alice. Le père de la famille, Tovmas Mekertchian, était un pasteur protestant qui avait servi au consulat oriental britannique en Égypte à partir de 1896, ce qui l’aide à éviter l'arrestation et l'exil.
En juin 1915, l’ordre de la déportation des Arméniens de Kharberd est donné. Partout des perquisitions, des arrestations, des pillages et des tortures ont commencé sous prétexte de rechercher des armes. Esther et ses enfants réussissent à trouver refuge dans un bâtiment missionnaire américain local. Un jour, le papier "d'exil" a été appliqué au mur de la maison des Mekertchian. Esther se souvient comment la police et les femmes turques voisines ont impitoyablement pillé leurs biens créés au fil des ans. Elle s’est adressée au représentant du consulat allemand à Harpout pour obtenir de l'aide, mais après avoir reçu un refus, elle s'est désespérément tournée vers le kaïmakam. La demande de conversion est catégoriquement rejetée par Esther. Elle parvient à persuader l'épouse de kaïmakam d'intervenir auprès de son mari pour remplacer l'exigence de conversion par de l'argent. Avec l'aide des missionnaires, l'argent nécessaire est collecté. Déguisée en kurde, Esther se cache avec Arsèn, Alice et la petite Arminé à l'hôpital de Mezré, tandis que Ervand et Zénob sont enfermés dans un fossé de deux mètres et demi de profondeur dans leur maison. Bientôt, la police turque a encerclé le bâtiment de l'hôpital sous prétexte de trouver des Arméniens et l'a perquisitionné. Il y avait des femmes et des enfants arméniens qui s’y cachaient, dont beaucoup ont été hébergés par un médecin de l'hôpital dès qu’il a appris les intentions des Turcs. Esther, cependant, n’a pas réussi à se cacher. Elle a été arrêtée, mais a été bientôt libérée grâce à l’intervention du consul américain.
Surmontant de nombreuses épreuves, dont l'épidémie de typhus (qui a touché Araks et Zénob), Esther et ses enfants ont atteint Dersim, puis Erzeroum, d'où ils ont migré vers Tbilissi (Géorgie). Privée des produits de première nécessité, Esther confie temporairement les enfants à un orphelinat et tente de récolter des fonds. Après un certain temps, ils ont navigué vers la Grande-Bretagne (Liverpool) et de là vers les États-Unis. La famille Mekertchian, qui a miraculeusement survécu au génocide, s'installe finalement aux États-Unis, où vivent encore leurs descendants.
En 1918 à Londres a été publié le livre d'Esther Mekertchian, traduit de l’arménien, intitulé « From Turkish Toils : The Narrative of an Armenian Family’s Escape » (« De l’enfer turc ; Le récit de l'évasion miraculeuse d'une famille arménienne (Alexandrie, 1918), qui est à l'origine de la déportation et des massacres des Arméniens de Harpout.
Esther Mekertchian écrit :
" Au total, plus de trois mille élus ont été arrêtés, qui étaient l’élite des Arméniens de Harpout. Parmi ces personnes se trouvait le chef arménien de la province de Harpout, l’archimandrite Psak. En chemin, près de Pagr-Maten, dans cette gorge tortueuse, tout le monde a été tué. On a versé de l’huile sur certains pour les brûler vifs par la suite, d'autres ont été battus et tués à coups de balles, d'épées, de haches et de pierres. À leur retour, les policiers qui les accompagnaient ont raconté tous leurs crimes. Ils avaient raconté avec un grand amusement le meurtre du chef, l’archimandrite Psak, dont ils avaient suspendu les jambes à un arbre, puis l’ont écorché."
Esther Mekertchian témoigne que sa famille était la seule de tout Kharberd à avoir réussi à survivre sans perte au génocide.
Les trois fils de Tovmas et Esther Mekertchian (de gauche à droite) : Zénob, Ervand, Arsèn, 1906
Musée-Institut de génocide des Arméniens
Esther Mekertchian, « From Turkish Toils: The Narrative of an Armenian Family’s Escape », Londres, 1918
Esther Mekertchian et ses enfants en vêtements kurdes