06.05.2023
Les autorités turques, loyales à la politique de négation du génocide perpétré par des Jeunes Turcs, essaient d'éviter de condamner le crime commis et de faire face à leur histoire en falsifiant l'histoire et en dissimulant les faits historiques de toutes les manières possibles.
Le 24 mai 1915, la Grande-Bretagne, la France et la Russie ont signé une déclaration commune concernant les déportations et les massacres de la population arménienne de l'Empire ottoman, les qualifiant de crimes contre l'humanité. Cette déclaration sur la traduction en justice des auteurs du génocide des Arméniens a eu sa suite logique immédiatement après la Première Guerre mondiale. Le 25 janvier 1919, dans le cadre de la Conférence de paix de Paris, le premier organe international d'enquête sur les crimes de guerre, la Commission sur la responsabilité et la répression des auteurs de guerre, a été créé, censé identifier ceux qui ont déclenché la Première Guerre mondiale et imposer des châtiments à ceux qui ont commis des crimes de guerre.
La liste des auteurs de crimes contre les Arméniens a également été présentée à la commission, où Enver, Djémal et Taléat pachas figuraient parmi les principaux coupables, reconnus responsables de crimes de guerre et de crimes contre les lois de l'humanité. La commission, après avoir étudié les nombreuses preuves obtenues, déclare que pendant la guerre, la Turquie a commis des violations flagrantes des droits des soldats et des citoyens, qui étaient contraires aux lois et coutumes de la guerre, ainsi qu'aux lois de l'humanité, et les personnes qui se sont rendus coupables de ces violations, devraient faire l’objet de poursuites.
Ainsi, Enver, Djémal et Taléat pachas, les principaux auteurs du génocide des Arméniens, ont été reconnus par la commission des crimes de guerre après la Première Guerre mondiale comme des criminels de guerre et responsables de crimes commis contre les lois de l'humanité.
Les dirigeants et ministres du Parti des Jeunes Turcs et d'autres personnes impliquées dans la mise en œuvre du génocide des Arméniens sont reconnus coupables et condamnés à l'emprisonnement et/ou à la mort par les tribunaux nationaux (tribunal militaire) lors des procès d'Istanbul. Le tribunal militaire de Constantinople a reconnu certains des principaux criminels, dont Taléat, Djémal et Enver pachas, coupables d'avoir entraîné la Turquie dans la guerre, organisé des massacres et un certain nombre d'autres crimes, les condamnant à mort par contumace.
À Ankara, la capitale des kémalistes, la glorification des criminels a commencé immédiatement. Le 5 août 1920, la Grande Assemblée nationale de Turquie (GANT) a suspendu ses travaux pendant 10 minutes en signe de respect, car le gouverneur d'Urfa, Nousret, a été exécuté le même jour. Plus tard, le 31 mars 1923, le GANT a annoncé une amnistie générale pour tous les criminels qui avaient été condamnés par les tribunaux militaires ottomans.
Le 29 mai 1926, le GANT commence à discuter d'un projet de loi envoyé par le gouvernement turc, présenté par le député de Dénizli Haydar Rouchtou et soutenu et rejoint par de nombreux députés. Le projet de loi était intitulé : « Loi sur l'octroi de biens immobiliers et de terres aux familles des fonctionnaires de l'État tués ou persécutés par des comités criminels arméniens ». Il a été adopté à l'unanimité par le GANT, officiellement publié et est entré en vigueur le 27 juin 1926 (loi n° 882).
MEMHED TALÉAT, « MARTYR NATIONAL » DE LA TURQUIE
Mehmed Taléat est l'un des principaux organisateurs du génocide des Arméniens. Il était l'un des dirigeants du comité « Union et progrès » des Jeunes Turcs. Il a été inclus dans le Comité central en tant que membre permanent pour son rôle clé et son activité au sein du Comité Union et Progrès. Taléat a occupé les postes de ministre de l'Intérieur de l'Empire ottoman en 1909-1911, 1913-1918, puis de Grand Vizir (Premier ministre) en 1917-1918.
En tant que ministre de l'Intérieur et membre du Comité central, Taléat a participé à l'adoption de la décision d'extermination du peuple arménien, à l'élaboration du plan et a coordonné directement la mise en œuvre du génocide, en particulier, il a supervisé les arrestations d'intellectuels arméniens occidentaux à partir du 24 avril 1915, le processus de déportation de la population arménienne de l'Empire ottoman, ordonnant l'extermination des Arméniens arrivés dans les camps de concentration en Mésopotamie, donnant des ordres de dépossession des Arméniens et de turquisation forcée des enfants arméniens.
Après la défaite de l'Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale et l'armistice signé à Moudros, le nouveau gouvernement ottoman, tentant de montrer sa séparation d'avec le régime précédent et sous la pression politique de la Grande-Bretagne, décida de poursuivre les membres du gouvernement des Jeunes Turcs. À cet effet, un tribunal militaire extraordinaire fut créé à Constantinople, qui dans le jugement rendu le 5 juillet 1919, entre autres accusations, les dirigeants d' « Union et Progrès » ont également été reconnus coupables d'avoir organisé le « massacre et l'anéantissement de la population arménienne de l'empire ». Le ministre de l'Intérieur Mehmed Taléat et d'autres membres du parti des Jeunes Turcs ont été condamnés à mort par contumace.
Le 15 mars 1921, Taléat est abattu par Soghomon Tehlirian, dans le cadre de l'opération « Nemesis ». Le tribunal d’assises de Berlin a acquitté Tehlirian. Il a été libéré de la salle d'audience.
En recevant la nouvelle du meurtre de Taléat, Mustafa Kemal, selon des sources turques, n'a pas pu retenir ses larmes et a déclaré : « Le pays a perdu un grand fils, un grand organisateur de la révolution. » Selon la loi du 27 juin 1926 de la Grande Assemblée nationale de Turquie, Talaat a également été déclaré « martyr national ».
Début 1943, le chancelier de l'Allemagne nazie Adolf Hitler, dans l'espoir d'obtenir le soutien de la Turquie pendant la Seconde Guerre mondiale, a accédé à la demande du gouvernement turc et a autorisé le transfert de la dépouille de Taléat. Le 25 février, il s'est conclu par une cérémonie spéciale près du Monument de la Liberté à Istanbul. Les funérailles d'État ont été suivies par le Premier ministre turc Mehmed Şükrü Saraçoğlu et l'ambassadeur d'Allemagne en Turquie Franz von Papen.
LES MANIFESTATIONS DE LA GLORIFICATION DE L’HÉROÏSATION DE TALÉAT, DANS LES DOMAINES PUBLIC, ÉDUCATIF ET POLITIQUE
La figure de Taleat est continuellement honorée et glorifiée dans la Turquie républicaine dans les domaines social, politique, éducatif et culturel. À cet effet, un certain nombre de quartiers, avenues, rues, ruelles, mosquées, écoles, lycées, bâtiments, organisations et projets portent son nom. La liste est très longue, nous en mentionnerons donc quelques-uns. Un certain nombre de quartiers d'Edirne , Istanbul , Smyrne , Kayseri , Tekirdagh ont été nommés d'après Taléat.
En Turquie, environ quatre dizaines d'avenues, de rues et de ruelles portent son nom à Istanbul, Ankara, Balıkesir, Bursa, Edirne, Smyrne, Konya, Sakarya, Tekirdag, Eskişehir, etc.
Des écoles, des collèges et des mosquées ont été nommés dans les sphères culturelles et religieuses pour honorer et glorifier Taléat, renforçant et confirmant son image héroïque. Environ cinq mosquées portent son nom, la plupart d'entre elles sont situées à Istanbul et à Ankara, des écoles et des collèges ont été ouverts à Ankara, Smyrne, Istanbul, Konya, Tekirda portant son nom.
Un certain nombre d'institutions médicales et publiques, de cafés, de maisons privées et de résidences à Istanbul et dans d'autres villes portent le nom de Taléat.
Des organisations et des projets ont également été nommés d'après Talaat, parmi lesquels il y a des associations traitant de la propagande anti-arménienne et de la négation du génocide des Arméniens. Mentionnons particulièrement le comité « Taléat Pacha » créé en 2005. Il peut être caractérisé comme une institution menant des activités extrémistes et nationalistes anti-arméniennes, qui investit d'énormes ressources dans le contexte de la négation du génocide des Arméniens par la Turquie. Bien que le slogan « L'amitié, mais pas le racisme » soit censé être la clé pour eux, l'un des slogans utilisés en parallèle est « Le génocide des Arméniens est un canular politique international ». Cette organisation a utilisé beaucoup de ressources pour perturber les événements du centenaire du génocide des Arméniens.
Des projets et programmes de construction de mosquées portent le nom de Taléat (« Construction de la mosquée Taléat Pacha », projet de la municipalité d'Istanbul-Esenyourt, projet d'Ankara « Union de construction et de confirmation de la mosquée Taleat Pacha »). Il faut aussi mentionner la chanson « Berlin-la marche de Taléat Pacha » (auteur : Yavuz Daloghlou), qui est aussi l'hymne d'une des grandes initiatives visant à nier le génocide des Arméniens.
CI-DESSUS INDIQUÉ PROUVE UNE FOIS DE PLUS QUE DANS LA REPUBLIQUE DE TURQUIE AUJOURD'HUI L'HÉROÏSATION DES AUTEURS DU GÉNOCIDE FAIT PARTIE DE LA POLITIQUE DE L'ÉTAT.
PHOTO : numéro du 13 juillet 1919 du journal ottoman « Vakit ». Sur la première page est publié l'article intitulé « Cours martiales », dans lequel est présentée l'actualité du tribunal militaire d'urgence ottoman condamnant à la peine de mort par contumace des chefs des Jeunes-Turcs.
JOURNAL : collection personnelle de Mihran Minasyan, conseiller du directeur du MIGA.