Histoires de rescapés |
« Je vais mourir en Arménie »
Les témoignages de Grigor Amalian
1945, Erévan, Nor Arabkir
Grigor Amalian avait sept ou huit ans lors du génocide. Il a raconté comment les Turcs ont emmené son père et ont enlevé sa sœur de la caravane. Il se souvenait beaucoup des violences, des pillages, des pleurs, des cadavres sans sang des Arméniens qui étaient la nourriture pour les rapaces. Après des années, il est revenu à son Arabkir natal où il a rencontré sa sœur déjà vieillie.
« Grigor akhpar (frère) avait sept ou huit ans lors du génocide et il se souvenait bien comment les Turcs ont emmené son père et ont enlevé sa sœur (ma grand-mère), Verginé Hazarian. Ils l’ont enlevé de la caravane. Il se souvenait beaucoup des violences, des pillages, des pleurs. Il se souvenait des cadavres sans sang des Arméniens qui étaient la nourriture pour les rapaces. Il est allé là, où ces violences ont été commises. Il est arrivé à Arabkir, son village. Il a visité quelques fois leur maison, il regardait la maison où il était né, où son enfance avait passé. Il semblait qu’il y avait un peu de son âme. Un vieillard chassieux le suivait avec les yeux. Grigor akhpar a vu en lui l’assassin de ses grands-parents, l’usurpateur de leur maison ancienne, il a voulu le frapper mais il s’est retenu. La peur d’être Arménien était encore en lui. Le village où sa sœur Verginé avait été enlevé et marié de force avec un chien, n’était pas loin. Il ne savait pas que faire. Il ne pouvait frapper aucune porte, il ne pouvait entrer aucune maison et manger un peu. Il a pris un souffle profond. Il s’est dit : « Aide-moi, Dieu !» et il s’est approché de la source du village. Il n’a pas cru à ses yeux quand il a vu une vieillarde au bout de la source. Elle ressemblait tellement sa sœur. Grigor akhpar s’est dit : « c’est elle, c’est elle ». Même après cinquante-sept ans, leurs yeux se sont reconnus. C’était la voix du sang qui parlait en leur âme. À ce moment-là, quand leurs yeux se sont embrassés ils ont frissonné. Ensuite, leurs gambes ont frissonné. La vieillarde s’est confondue. Elle a glacé, le pot de l’eau an main, vu son frère devant soi. Elle est devenue muette. Elle ne savait pas que faire. Leurs sentiments étaient tellement forts, qu’ils voulaient s’embrasser, mais personne ne devrait les voir. Là, près de la fontaine, ils ont chuchoté quelque chose et ils se sont compris. Ils devaient se retrouver la nuit.
La vieille dame de quatre-vingt-dix ans a embrassé pour la dernière fois ses petits-fils dans le lit, et elle est sortie de la maison où elle a vécu cinquante-huit ans. Ma grand-mère Verginé était très émue. Elle se souvenait souvent de sa vie des années passées. C’est tout le peuple s’en souvenait étant en train de mourir. Elle a frissonné. Elle a fermé ses yeux très fort, mais ses oreilles ont entendu la sonnerie des cloches détruites, l’appel du sang coulant. Ses yeux fermés ont vu comment les vierges arméniennes se sont tues. Elle a vu comment on l’a enlevé des harems pour sa beauté. Elle criait en se défendant « Je ne veux pas, je vais mourir ». Mais à ce moment-là, son frère a tiré de sa main. Verginé s’est secoué. Elle marchait près de son frère, la croix de l’Arménien en dos. Ils sont atteints à la frontière syrienne, ensuite à Alep.
(Verjiné Svazlian. Le génocide arménien: Témoignages des survivants témoins oculaires. Erevan, « Gitoutyoun » 2011, témoignage 373, p. 558-559.)
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