«Toutes les passions humaines les plus sauvages et les plus dégoûtantes sont assouvies aux dépens de la misérable foule qui fond et se détruit progressivement. Si certaines personnes atteignent la Mésopotamie, elles restent dans des endroits désertiques ou marécageux sans abri ni nourriture ... La chaleur et l'humidité détruisent finalement ceux qui sont habitués au climat montagnard rude mais sain ...

Les derniers restes des convois arméniens ont retrouvé leur salut, mourant de fièvre et de pauvreté ... », écrit l'un des célèbres publicistes, avocat, historien, journaliste français, arménophile René Pinon.

René Pinon est né le 5 février 1870 à Monbar, en France, dans la famille d'Emil et Marie Pinon. Les informations personnelles fiables sont très rares, même les photos ne nous sont pas disponibles, mais des informations sur les activités prolifiques d'un journaliste bien connu de l'époque sont parvenues.

René Pinon a été l'un des premiers en France à exiger que les Jeunes Turcs, qui ont organisé le génocide des Arméniens, soient tenus responsables de la commission d'un crime contre le peuple arménien.

René Pinon, étant un historien-journaliste spécialisé dans les questions orientales, en particulier ottomanes, est l'auteur de nombreuses publications et articles sur la Turquie et les Arméniens en général, y compris "l'Europe et l'Empire ottoman", "L'Europe et la jeune Turquie" etc.

En 1916 a vu le jour l’ouvrage précieux de René Pinon, intitulé "L'extermination des Arméniens ; méthode allemande, travail turc ", à Paris. Le titre du livre illustre clairement la logique du travail. En tant que témoin oculaire d'événements géopolitiques, René Pinon a pu dresser un tableau précis des trous historiques, exposant les véritables objectifs de la déportation de masse d'Arméniens de l'Arménie occidentale, ainsi que des autres régions peuplées d'Arméniens, organisée par l’Empire ottoman.

«La disparition des Arméniens était dans l'intérêt politique des Allemands. Ils ont longtemps… suivi un projet par lequel la Turquie devait devenir un champ d'expansion de la colonisation pour la tribu allemande… Plus la Turquie sera grande, plus ses ambitions se répandraient, plus l'Allemagne, son tuteur et héritier, serait puissante et riche » ,- écrit Pinon et continue: « A la fin de la première année de guerre au Reichstag, le chancelier a félicité dans son discours les Allemands pour la merveilleuse restauration de la Turquie. Renaissance à l'allemande à travers massacres, vols et violences. La vérité est que l'Allemagne a pu utiliser la Turquie avec la complicité d'Enver, de Talaat et de plusieurs autres membres du comité de l'Union et du Progrès ... »

René Pinon, étroitement lié à la fois aux milieux politiques français et aux représentants du corps diplomatique allemand, personnalités nationales arméniennes en quête d'aide aux Arméniens des pays européens, maîtrisait à la fois le processus politique et, dans la situation de l’époque, le sort de l’Arménien dans l'Empire ottoman.

«La déportation de femmes, d'enfants et de personnes âgées arméniens était une condamnation à mort frauduleusement dissimulée visant à la destruction complète du peuple arménien à travers les massacres et l'islamisation forcée. Le massacre sur place aurait été plus humain. Au moins, il libérerait les gens de terribles souffrances » , -explique Pinon.

Après la Première Guerre mondiale, René Pinon a dirigé la rédaction du périodique « La Voix de l'Arménie » (« Haïastani dzaïne »), basée à Paris. En 1919-1921 René Pinon a continué à poursuivre et à publier des articles sur la cause arménienne dans le périodique. Ses articles et discours ont été largement critiqués, traduits et réimprimés dans la presse arménienne de l'époque.

Dans les années 1930, il a également maintenu ses contacts avec la diaspora arménienne. En 1932 il a participé à titre de membre honoraire du baptistère mekhitariste de l'école de Sèvres, où il a prononcé un discours animé : « Les Turcs savaient que la terre arménienne paisible devait être développée, renforcée et séparée de l'empire pourri, comme tous les autres étaient divisés, donc, ils ont multiplié les massacres des Arméniens avec un programme prémédité.

Les massacres sont le résultat de l'instinct d'une nation barbare. Il y a des nouvelles que le gouvernement turc a commencé à rejoindre l'ONU. Ce jour-là, il faut lui rappeler de son propre passé sanglant. Le gouvernement ne peut pas se justifier en rejetant le péché sur le passé. Le blâme pour le massacre n'est pas seulement celui du gouvernement, mais aussi sur toute la tribu turque.

Le Traité de Lausanne a privé les Arméniens de leurs droits. Et pourtant, il reste l'esprit invincible de l'Arménien, l'amour pour sa patrie tourmentée, pour sa culture, sa langue, sa religion. Il y a une petite Arménie, peu importe que c’est sous domination étrangère qui est un phénomène de transfert.

La condition de l'existence d'une nation n'est pas le nombre, la terre, la richesse, mais la culture nationale que vous avez sauvée. Vous lui avez créé de nombreux poêles. C'est cette culture qui vous a sauvé depuis le jour de Xénophon, toujours entouré de barbares.

Vous avez eu des batailles héroïques pour défendre la culture ancienne, votre honneur, votre religion. Des milliers d'entre vous sont tombés dans une mort héroïque et vous saviez que vous alliez mourir pour votre patrie. Votre existence est un fait qu’une nation ne mourra pas alors qu’elle ne veut pas mourir ».

De nombreux représentants de la société française progressiste ont toujours défendu la juste cause du peuple arménien. Parmi ces philanthropes progressistes, il y a René Pinon, qui mérite la reconnaissance du peuple arménien.

Il est décédé le 1er octobre 1958 à Paris, à l'âge de 88 ans.


Arévik Avétissian
Chef du service des relations extérieures et de l'information